
Quand l’avocat dit « assez » : pourquoi un avocat peut cesser de défendre son client (et vice versa) (et quel est le rapport avec l’affaire Ábalos).
novembre 11, 2025Dans le tourbillon médiatique qui entoure la vie personnelle et politique de la présidente de la Communauté de Madrid, Isabel Díaz Ayuso, un récit simpliste et potentiellement préjudiciable est apparu, avec lequel je ne suis pas du tout d'accord (ni aucun avocat) et que je souhaite donc clarifier : l'étiquetage de son partenaire sentimental, Alberto González Amador, en tant que"criminel avoué". Cette étiquette, répétée dans des titres sensationnels et des débats télévisés, ignore les nuances du droit pénal espagnol et réduit un processus judiciaire en cours à un jugement sommaire de culpabilité, puisque, loin d'être un aveu sans équivoque, les actions de González Amador s'inscrivent dans une stratégie procédurale légitime : la recherche d'un accord avec le ministère public.
Cet article examine, d'un point de vue juridique rigoureux, pourquoi cette distinction n'est pas un simple détail technique, mais une garantie fondamentale de l'État de droit.
L'aveu et le concept de "délinquant avoué" dans le système juridique espagnol
Le terme"délinquant avoué" évoque l'image d'un défendeur qui, devant un juge ou une autorité compétente, reconnaît spontanément les actes criminels, en assumant l'entière responsabilité sans contrainte ni incitation.
Dans le code pénal espagnol (CC), ce chiffre figure à l'article 21.4, qui prévoit une circonstance atténuante pour l'aveu : "Le coupable, avant de savoir que des poursuites sont engagées contre lui, a avoué le délit aux autorités". Toutefois, cette circonstance atténuante exige un aveu volontaire et complet, fait au moment opportun de la procédure, et n'équivaut pas à une condamnation automatique.
D'autre part, la loi de procédure pénale et la jurisprudence constitutionnelle et ordinaire établissent que l'aveu doit être libre, volontaire et obtenu sans violation des droits, et que son efficacité probatoire dépend de sa corroboration et de l'absence de coercition.
Ainsi, le régime juridique des aveux dans les procédures pénales espagnoles se caractérise par une approche de garantie : l'aveu fait par l'accusé dans la phase d'enquête (instruction) ne dispense pas le juge d'enquêter et de corroborer sa véracité au moyen d'autres diligences et preuves.
L'article 406 de la loi de procédure pénale stipule que l'aveu de l'accusé ne dispense pas le juge d'instruction de l'obligation d'effectuer toutes les diligences nécessaires pour se convaincre de la véracité de l'aveu et de l'existence du crime. C'est pourquoi le juge doit interroger l'accusé qui a avoué afin qu'il explique les circonstances du crime et tout autre aspect pouvant contribuer à prouver son aveu, y compris son rôle en tant qu'auteur ou complice et l'identification d'éventuels témoins ou de personnes ayant connaissance de l'acte.
Cette disposition légale implique que l'aveu n'a pas une valeur probante absolue ou automatique, mais doit être évalué dans le contexte de l'ensemble des preuves produites au cours de la procédure. Le législateur exige du juge qu'il adopte une attitude active d'investigation et de vérification, en évitant que l'aveu ne devienne un raccourci vers la condamnation sans contraste probant.
Un aveu n'est pas une preuve complète ou suffisante en soi pour condamner ; sa valeur dépend du fait qu'il a été obtenu dans le respect de la procédure légale et de sa comparaison avec d'autres preuves. En outre, les aveux obtenus sous la contrainte, les mauvais traitements ou sans respect des procédures sont nuls et non avenus et ne peuvent être considérés comme des preuves, conformément à la doctrine de la Cour constitutionnelle et de la Cour européenne des droits de l'homme.
En bref : pour être efficace, l'aveu doit être fait volontairement (sans contrainte, menace, torture...) devant un juge et dans le cadre d'un procès assorti de toutes les garanties (assistance juridique...), de sorte que si une personne avoue un délit devant la police ou le juge d'instruction, puis se rétracte lors du procès et qu'il n'y a pas d'autres preuves pour corroborer sa culpabilité, elle peut être acquittée.
La conformité procédurale : un instrument d'efficacité et non de soumission
Les articles 655 et suivants de la loi de procédure pénale (LECrim) réglementent les accords de procédure, inspirés des modèles anglo-saxons de plea bargaining, mais adaptés au système accusatoire espagnol. Ces mécanismes permettent à l'accusé et au ministère public d'explorer des solutions extrajudiciaires ou abrégées, toujours sous contrôle judiciaire. La clé réside dans le fait que le plea bargaining est un processus préliminaire, et non une reconnaissance concluante des faits, et qu'il n'implique donc pas une renonciation à la présomption d'innocence et ne préjuge pas de la culpabilité de l'accusé.
La "conformité" ou l'accord avec le ministère public est un pilier de la justice pénale moderne qui permet de résoudre rapidement les affaires, en réduisant la charge des tribunaux, en économisant les ressources publiques et, dans de nombreux cas, en évitant la "victimisation" des parties lésées, puisqu'elles n'ont pas à subir l'épreuve du rappel des faits devant les tribunaux. Dans le cas de délits fiscaux tels que ceux attribués à González Amador - qui aurait escroqué plus d'un million d'euros au Trésor public, selon la presse - ce chiffre est particulièrement utile, étant donné le haut degré de technicité comptable qu'ils impliquent.
Elle est devenue une partie tellement importante du processus pénal que la réforme de la loi de procédure pénale par la loi organique 1/2025, entrée en vigueur le 3 avril, introduit une audience préliminaire au procès (art. 785 LECrim) à laquelle assistent uniquement le procureur général, les avocats et l'accusé, et qui prévoit la possibilité de parvenir à un accord sur le plaidoyer qui, s'il est conclu, signifie que la procédure ne se poursuivra pas.
La procédure est stricte : le prévenu (ou le procureur) propose un accord qui comprend l'acceptation des faits, la peine proposée et, le cas échéant, le paiement de l'indemnité due. Normalement, l'accord implique une réduction de la peine en échange de la reconnaissance. Cependant, un tel accord nécessite :
- Acceptation par toutes les parties, y compris l'accusation, le ministère public (public et privé) et la défense.
- Ratification devant l'autorité judiciaire : le juge vérifie la légalité de l'accord et l'exactitude de la qualification, ainsi que l'absence de coercition à l'encontre de l'accusé et la compréhension des implications par ce dernier. Les faits convenus avec l'accusation sont reconnus lors d'une audience d'accord qui remplace le procès oral. Le juge prononce la sentence immédiatement, sans qu'il soit nécessaire de poursuivre la procédure, ou bien les preuves à apporter sont considérablement réduites, ce qui raccourcit le procès.
- Possibilité de rétractation : jusqu'au moment de la déclaration au procès oral, l'accusé peut se rétracter, ce qui rendrait l'accord nul et non avenu et le procès se poursuivrait.
On voit donc que la simple tentative de négociation avec l'accusation ne constitue pas un aveu puisque l'accord n'a pas été reconnu devant un juge.
En résumé, qualifier quelqu'un de "confesseur" pour avoir négocié avec l'accusation revient à confondre stratégie défensive et reddition inconditionnelle, une erreur qui viole les principes régissant les procédures pénales, en particulier le droit à une procédure régulière.
Le cas particulier
Alberto González Amador fait l'objet d'une enquête pour des délits présumés contre le Trésor public (articles 305 et suivants du CP), qui proviendraient de factures irrégulières dans ses entreprises. L'Agence fiscale a détecté des irrégularités s'élevant à plus d'un million d'euros, ce qui a déclenché l'intervention du bureau du procureur anti-corruption.
Selon certaines informations, sa défense aurait entamé des pourparlers avec le ministère public en vue d'un éventuel accord : remboursement intégral du montant fraudé, plus une amende, en échange d'une réduction de peine (peut-être une peine avec sursis, compte tenu du montant en jeu). Cette approche est habituelle dans les affaires fiscales, où 70% des procédures sont résolues par un accord, selon les données du Conseil général du pouvoir judiciaire (CGPJ, rapport 2024). A cette fin, l'avocat de M. Gonzalez et le procureur en charge du dossier ont échangé les fameux courriels qui ont fait l'objet d'une fuite et qui ont donné lieu à l'affaire du "procureur général".
À l'heure où nous écrivons ces lignes, il n'y a pas eu de ratification judiciaire de l'accord ni d'aveu formel des faits. Parler d'"aveu" est donc prématuré et erroné. C'est comparable à affirmer qu'un accusé est coupable d'avoir engagé un avocat : une simple tactique défensive visant à minimiser les risques, et non une déclaration de culpabilité.
Le cas que nous étudions illustre les dangers de la judiciarisation des médias en Espagne. Négocier avec le ministère public n'est ni une reddition ni une reconnaissance de culpabilité, mais un droit procédural qui concilie efficacité et garanties. Qualifier la personne qui tente de négocier de "criminel avoué", c'est non seulement fausser le débat public, mais aussi porter atteinte à la présomption d'innocence, pilier du système accusatoire.
Au fur et à mesure de l'avancement de la procédure - avec la possibilité d'une enquête préalable, d'un procès ou même d'un règlement - M. González Amador, comme tout citoyen, mérite de ne pas être lynché par des détails techniques mal interprétés. Dans un État de droit, la négociation est un pont vers la résolution, et non une chaîne de culpabilité.




